Comprendre l'impact des propriétés physiques de la neige sur les lemmings en Arctique
Publiée le 12 déc 2019
De retour d’un séjour de deux semaines à la station de recherche CHARS à Cambridge Bay au Nunavut, l’étudiante au doctorat en biologie Mathilde Poirier nous fait part des avancées de son projet de recherche, qui vise à mieux comprendre l'impact des propriétés physiques de la neige sur les lemmings en Arctique.
L’étude réalisée en collaboration avec Dominique Fauteux (chercheur au Musée Canadien de la Nature) a pour but d’étudier les stratégies de creusage des lemmings dans des manteaux neigeux de dureté variable. L’hypothèse de départ est qu’en raison des changements climatiques, une fréquence accrue des épisodes de pluie-sur-neige pourrait entraîner un durcissement du manteau neigeux, ce qui pourrait avoir des conséquences négatives chez les populations de lemmings, une espèce qui est à la base de la chaîne alimentaire en Arctique.
Lemming variable dans son pelage d'hiver (photo : Mathilde Poirier)
Au moment d’entreprendre ces travaux, on savait très peu de choses sur le comportement des lemmings pendant l’hiver, alors qu’ils restent cachés sous la neige. Pour reproduire ce qui se passe dans ce petit monde isolé, les chercheurs ont eu l'idée de construire des boîtes d'observation permettant 1) d'échantillonner la neige tout en conservant ses propriétés physiques, 2) d'y mettre un lemming et 3) de pouvoir l'observer pendant ses déplacements dans la neige contenue dans la boîte.
Échantillonnage de la neige au lever du soleil, pour profiter des deux heures d’ensoleillement quotidiennes (Photo gauche : Mathilde Poirier. Droite : Dominic Fauteux)
Ces boîtes d’observation ont ainsi permis d’observer le comportement des lemmings dans la neige, sans trop les déranger. Les premières observations suggèrent que les lemmings mettent plus de temps à creuser dans une neige très dure, et qu’ils utilisent souvent leurs dents pour le faire, comportement qu’ils n’adoptent pas dans une neige molle. Les résultats issus de ces travaux pourraient suggérer qu'un manteau neigeux plus dur a des conséquences négatives sur la survie des lemmings, notamment en augmentant les dépenses énergétiques requises lors de leurs déplacements. Par effet de cascade, les autres espèces qui s'alimentent principalement de lemmings (ex: renards, harfangs des neiges, buses pattues, etc.) seraient aussi touchées.
Dans une chambre froide, les boîtes d’observation permettent de comprendre comment les lemmings modifient leur comportement selon la dureté de la neige. (Photo : Mathilde Poirier)
Ce projet qui a été réalisé à Cambridge Bay avec les boîtes d'observation est complémentaire au projet Sentinelle Nord 2.2, qui vise à utiliser des systèmes optiques innovants pour le suivi de l'activité des petits animaux vivant sous la neige. Ce projet s'effectue en collaboration avec les étudiants Anastasia Pusenkova (doctorat en génie physique) et Davood Kalhor (doctorat en génie électrique). Des caméras ont été déployées en 2018 (3) et les vidéos obtenues sont en cours d'analyse. D'autres prototypes améliorés ont été déployé en 2019 (4) et les données pourront être récoltées en mai 2020.